« Ras le bol de tous ces coachs qui nous assènent des injonctions divergentes ! »
C’est le commentaire assez désagréable découvert sur une publication que j’ai réalisée récemment ...
Je l’avoue sur le coup, je l’ai perçu comme une agression. Et puis oui, une fois le premier « choc » passé, je me rends compte que je vois très bien ce que cette personne veut dire car je ressens souvent moi-même ces contradictions !
Le contexte actuel y est particulièrement favorable
En ce moment, pas besoin d’aller chercher bien loin pour trouver de nombreux exemples qui vont parler à tout le monde. Les injonctions contradictoires ne sont pas réservées au seul domaine du coaching, loin s’en faut ! Et le contexte actuel y est particulièrement favorable…
Un exemple d’actualité qui illustre cet aspect contradictoire
Quand il est question de confinement, et qu’ à cela s’ajoute la proposition disant que les risques sont moindres en extérieur qu’en intérieur et qu’il faut aller prendre l’air, alors oui, ça fait sourire car ça sent l’injonction contradictoire « sortez mais restez confiné » …
Plus près du coaching,
Deux exemples me viennent à l’esprit qui correspondent à des méthodes classiques de développement.
Persévérer ou lâcher prise ?
Un exemple récent, j’entendais à la radio l’apologie d’un sportif de haut niveau qui a su exploiter la période actuelle pour développer un nouveau savoir-faire complètement nouveau pour lui. Le journaliste louait ce grand sportif qui a persévéré pour être au top niveau dans sa discipline depuis des années. Mais à l’heure du confinement, faute de pouvoir pratiquer, il a trouvé une activité extra professionnelle où il excelle grâce à sa persévérance.
Alors oui, on est admiratif … mais quand même avec une pointe de malaise car la persévérance ça a du bon, dans le cas cité, pas de doute possible. Pour autant n’entend-on pas dire régulièrement qu’il faut savoir lâcher, qu’il ne sert à rien de s’obstiner quand les résultats ne sont pas au rendez-vous, que « faire toujours plus de la même chose donne toujours le même résultat ».
Alors où mettre le curseur entre persévérance et lâcher prise ?
Entre prendre le risque de tomber dans l’acharnement ou celui de baisser les bras ? …Bien sûr, il y a des nuances, d’un côté des résultats, de l’autre des choses qui ne dépendent pas de soi. Mais a-t-on toujours le recul nécessaire ?
Associé ou dissocié ?
Plusieurs méthodes sont souvent mises en avant pour se recentrer et passer une difficulté.
Cela va de la « pleine conscience » où vous serez « associé » à l’environnement à la « dissociation » comme l’hypnose ou le Dialogue intérieur par exemple, en passant par différentes techniques de PNL (positions de perception, etc..).
Pour essayer de dire les choses simplement, vous êtes associé quand vous êtes présent, acteur de la situation. Vous êtes dissocié quand vous êtes extérieur, spectateur de la situation.
Bon maintenant, comment savoir quand il vaut mieux être associé ou dissocié ?
Déjà, naturellement, chacun à tendance à prendre l’une ou l’autre des postures. Et puis, on pourrait simplifier en disant qu’il suffit d’être associé dans les moments favorables et positifs, c’est le « profiter de l’instant présent » et se dissocier dans les moments pénibles. Par exemple, lorsque la tension monte dans l’environnement professionnel, la bonne posture pourrait être de se dissocier pour se préserver. Mais ça risque d’être un peu trop simpliste…
Juste un exemple qui parlera certainement aux coureurs à pied :
Quand je cours à allure footing tranquille, je suis très souvent dissociée, ailleurs, en train de cogiter à des tas de choses, bien loin du footing… Par contre, quand je suis sur un marathon et que je vise un chrono, je suis pleinement associée, totalement focalisée sur ma course pour maintenir le rythme. Pour autant, cela reste ma façon de gérer ma course car d’autres coureurs vont certainement préférer se dissocier pour se détacher des douleurs physiques.
Pour en revenir à l’environnement professionnel sous tension, la distanciation ne paraît pas toujours facile à réaliser lorsque l’on a un rôle à tenir, un message à faire passer…
Encore plus près du coaching,
Je reviens sur quelques fondamentaux du coaching qui peuvent paraître contradictoires si on les sort du contexte dans lesquels ils s’appliquent.
Le « comment »
L’objectif du coaching est de permettre à la personne de trouver sa propre solution à sa problématique professionnelle. Au travers de son accompagnement, le coach va chercher à comprendre comment fonctionne la personne, et non pas comment elle en est arrivée là, ce qui correspondrait à rechercher la raison, le pourquoi de ses comportements. Cette démarche est du ressort de la thérapie.
La neutralité du coach
Autre point qui peut sembler ambigu, voir contradictoire, le coach a une position « neutre » : il l’est par rapport à la situation de la personne coachée, mais il n’est pas neutre lui-même, il a son propre vécu, son propre référentiel… c’est d’ailleurs ce qui facilite le changement de perspectives.
Actif ou passif ?
Et puis, on dit souvent que le coach accompagne et à ce titre agit comme observateur de la situation, Il veille à ce que la personne reste autonome et pleinement responsable de ses actions. Cependant il est aussi acteur à 100% car, comme je l’ai dit précédemment, au travers de son questionnement, il va s’attacher à comprendre le fonctionnement de la personne tout en maintenant le cap de l’objectif du coaching. En travaillant de la sorte, son but est de réussir à lui faire retrouver sa propre cohérence.
Retour par quelques fondamentaux de la communication
Après ces quelques exemples illustrant la contradiction qui nous dérange, je reviens sur quelques notions de communication.
Informer, c’est donner du contenu,
L’ information va de l’émetteur au récepteur, l’échange ne va que dans un sens. C’est la différence avec communiquer qui est de donner du contenu avec l’intention d’échanger, de partager, l’échange va alors dans les 2 sens.
Il existe toujours un écart entre le message émis et le message reçu,
Autrement dit, il y a toujours de la déperdition de contenu. Cela rejoint l’idée qu’un même message peut être perçu différemment selon la personne qui le reçoit. Au risque d’en faire faire bondir certain, l’exemple qui me vient le plus flagrant, c’est ce qu’on a qualifié de « commerces essentiels » : si on se place du côté « consommateur », on peut se passer de beaucoup de choses et réduire l’essentiel à l’alimentaire. Par contre, si on se place côté du commerçant, son activité qui lui permet de se nourrir, se loger, est essentielle pour lui.
Et enfin, on est responsable des messages que l’on transmet
Si un message n’atteint pas son destinataire, il nous appartient de le rectifier.
Là, c’est bien la responsabilité de l’émetteur qui est mise en avant quant à sa façon de délivrer son message. Alors, évidemment, faire des messages génériques en s’adressant à un large public peut être délicat ! Pour autant, le récepteur n’est pas totalement inactif…
Des injonctions qui paraissent contradictoires
Dans toutes ces situations, les injonctions nous semblent contradictoires mais le sont-elles réellement ?
Une véritable injonction contradictoire intègre dans la même proposition deux choses qui s’opposent, ce qui rend sa réalisation impossible.
Là, ce n’est pas véritablement le cas, il s’agit de propositions génériques distinctes adressées à des publics différents.
Mais pourquoi tout ça nous heurte à ce point ?
Peut-être parce qu’on prend pour soi des choses qui ne nous concernent pas directement, on ne prend qu’une part de ce qui nous semble être une injonction en en retirant le contexte, la situation des personnes à qui elles sont destinées, ou encore le mode de fonctionnement de ces personnes… alors ramené à notre situation personnelle, cela paraît décalé voir totalement déplacé ! On cherche à faire rentrer un carré dans un triangle.
Comment réagir ?
Tous les messages ne nous sont pas destinés
Chacun est le mieux placé pour savoir si cela le concerne. Il s’agit de choisir quelle information m’est destinée selon la situation dans laquelle je me trouve.
Une histoire de perspectives
Et si on essayait de changer de perspectives de temps en temps ? Si, plutôt que de prendre ce qui nous parait être une contradiction de front, on cherchait à se mettre dans la perspective de la personne à qui elle s’adresse vraiment, juste pour essayer de percevoir un autre point de vue… L’exemple actuel de la restauration reste un bon exemple pour illustrer ce changement de perspective. Je ne suis pas dans la restauration, alors oui, la fermeture des restaurants me désole car c’est une part de la vie sociale qui est mise de côté, maintenant, ça n’est pas vital pour moi. En revanche, pour les restaurateurs, le sujet n’est pas le même, là on touche bien à la survie du restaurant.
Et si on mettait un peu de nuance dans tout cela
Beaucoup de personnes exposent leur point de vue sur tel ou tel sujet, souvent très argumenté et très intéressant. Pour autant, cela reste le point de vue de la personne, sa réalité. Quand on se place sous un autre angle de vue, la réalité est tout autre et le propos peut paraître déplacé. Repensez à toutes ces certitudes que l’on entend sur ce qu’il aurait fallu faire ou ce qu’il faudrait faire… Tout cela crée des tensions, alors que chaque propos, chaque réflexion peut être discuté, assoupli, nuancé…
Mais à force de toujours tout nuancer, quand est-ce qu’on agit ? Je vois venir ces actifs qui voit le piège de la réflexion en boucle, un pas en avant, deux en arrière…
C’est là où à la nuance, j’aime bien associer la notion de curseur.
La liberté de choisir
A chacun de définir l’adaptation qui va s’accorder à sa situation. Cela rejoint la responsabilité du « récepteur » dans la transmission d’information, cette responsabilité de la personne que l’on retrouve également dans tout travail de coaching.
Elisabeth Passilly,
Coach dans le domaine professionnel, spécialisée dans le coaching individuel